
Un nouveau fiasco pour le multilatéralisme environnemental a été évité de justesse. Quatre mois après un échec retentissant en Colombie, les pays du monde ont arraché, jeudi 27 février à Rome, un compromis délicat sur le financement de la sauvegarde de la nature.
Au troisième et dernier jour des prolongations de la COP16 des Nations unies sur la biodiversité, les pays riches et le monde en développement se sont résignés à des compromis mutuels pour adopter un plan de travail sur cinq ans, censé débloquer les milliards nécessaires pour stopper la destruction de la nature et mieux distribuer l’argent aux pays en développement.
De longs applaudissements des délégués des quelque 150 pays ont accueilli le coup de marteau de Susana Muhamad, la ministre colombienne de l’environnement qui présidait cette 16e conférence de la Convention sur la diversité biologique (CBD).
« Nous avons accompli l’adoption du premier plan mondial pour financer la conservation de la vie sur Terre », a-t-elle déclaré triomphalement sur X.
« Nos efforts montrent que le multilatéralisme peut être porteur d’espoir dans une période d’incertitude géopolitique », a déclaré son homologue canadien, Steven Guilbeault, devant les quelque 150 pays présents à la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).
Cet accord permet, selon Susana Muhamad, « d’écraser un peu le fantôme de Cali » : la plus grande COP sur la biodiversité, avec 23 000 participants au bord de la jungle colombienne, s’était terminée sans accord le 2 novembre, faute de quorum après une nuit blanche de disputes.
200 milliards de dollars par an d’ici 2030
« J’annonce que nous avons donné des bras, des jambes et des muscles » à la feuille de route de Kunming-Montréal, par laquelle les pays se sont engagés en 2022 à réaliser 23 objectifs pour stopper la destruction de la nature d’ici 2030. Le plus emblématique de ces objectifs vise à placer 30 % des terres et mers dans des aires protégées (contre respectivement 17 % et 8 % actuellement, selon l’ONU).
Jeudi soir, les pays ont aussi adopté des règles et des indicateurs fiables censés mesurer et vérifier à la COP17, prévue en 2026 en Arménie, quelle est la réalité de leurs efforts. « Nous avons donné des bras, des jambes et des muscles » à cette feuille de route, s’est félicitée Susana Muhamad.
Rester à financer la tâche : un autre objectif fixe à 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 les dépenses mondiales de protection de la nature, dont 30 milliards fournis par les nations développées aux pays pauvres (contre environ 15 milliards en 2022). Or c’est sur la manière de lever ces milliards, puis de les distribuer, que les pays se déchirent.
L’accord arraché à Rome renvoie à la COP de 2028 le soin de décider s’il faut créer un nouveau fonds placé sous l’autorité de la CBD, comme le réclament avec force les pays africains. Ou si les instruments existants, comme le Fonds mondial pour l’environnement (GEF en anglais), peuvent être réformés pour être plus accessible et équitable pour les pays en développement.
Les pays riches – menés par l’Union européenne, le Japon et le Canada en l’absence des Etats-Unis, non-signataires de la convention – sont hostiles à la multiplication des fonds, craignant une fragmentation de l’aide au développement. Ils réclament aussi un élargissement de la liste des pays tenus de fournir de l’aide au développement, afin d’intégrer les puissances émergentes comme la Chine. La question sera examinée par le plan quinquennal adopté à Rome.
Malgré l’échec sur la finance, la COP16 à Cali avait enregistré quelques décisions notables : l’une permettant une participation plus active des peuples autochtones au processus, l’autre créant un « Fonds Cali », destiné à distribuer une petite part des immenses bénéfices réalisés par des entreprises des pays riches grâce aux plantes ou aux animaux prélevées dans le monde en développement.
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